VELDHIV.ORG

Pour les jeunes, un événement qui n'est plus croyable
Caché le 15 juillet au soir, Hansel Szpilvogiel a assisté impuissant le lendemain, à la rafle dans le XIè arrondissement où furent pris ses parents et son frère, décédés à Auschwitz. Il atteste du garage utilisé, rue des Pyrénées, puis raconte son parcours extraordinaire de résistant juif « apatride » au sein de la compagnie intégralement juive des Eclaireurs israélites. L'histoire oubliera comment ces quelques dizaines de résistants seulement ont fait se rendre des milliers d'Allemands et ont libéré Castres. Puis vient son attente vaine du retour de ses proches, à l'hôtel Lutetia, à la Libération. Seule sa sœur réapparaîtra. Pour Hansel Szpilvogiel, les nombreux enfants qu'il a rencontrés dans les écoles ne parviennent plus à comprendre l'extermination juive. C'est devenu trop « incroyable ».
Sur le mythe de la passivité juive: voir Wikipedia, les Juifs étaient sur-représentés dans la Résistance en France Ils étaient 20% dans les rangs des Partisans soit 25 fois plus que leur part dans la population de métropole 0,8% (330.000 au plus en 1939 sur une population de 41,5 millions). Par ailleurs, la passivité relative des familles s'explique, voir Simone Veil .
Paul R.
Passé sous silence, des garages réquisitionnés
Pour donner un ordre d'idée de l'extraordinaire opération de police du 16 juillet 1942, on peut citer la profusion de centres de rassemblement primaire sur tout Paris et sa proche banlieue. Des lieux de tous ordres sont mobilisés : écoles, casernes de pompier (à Chateau-d'Eau, XIè, par exemple), équipements sportifs (comme Japy), pavillons (comme à Vincennes) ou simplement commissariats de police (comme avenue Parmentier) et mairies d'arrondissement....
Des garages ont aussi été réquisitionnés. Dans le XXè arrondissement, plus grande concentration des Juifs avec le XIè, deux centres de regroupement cohabitaient, la Bellevilloise, institution du Parti communiste français (interdit sous l'Occupation), et un garage, beaucoup moins connu. .
Dans son témoignage vidéo ci-contre Hansel Szpilvogiel atteste de ce garage, rue des Pyrénées, vers lequel il a vu des foules entières se diriger. Il était situé au n°342, selon Théodore Voda.. Sarah Lichtstein, 14 ans, témoigne, elle, que sans arrêt dans ce garage, les nouveaux arrivants « continuaient de se s'agglutiner ». .
D'autres garages ont été utilisés pour la rafle : rue de Bretagne ou avenue des Gobelins..
La RATP qui a fourni, sous son ancien nom de TCRP, ses bus pour faire les acheminements au Vel d'hiv ou à Drancy a toujours refusé d'ouvrir ses archives à l'historien spécialisé Maurice Rajsfus. C'est à la fois inexplicable et très dommage : tous les points de rassemblements seraient au moins connus. A noter : Maurice Rajsfus a essayé de contourner ce black out délibéré de la RATP, en passant par les syndicats, et même par les maisons de retraites. Dans tous les cas, il a trouvé porte close..
La Bellevilloise qui était la dernière survivance du mouvement coopératif dans le Parti communiste français (production mais aussi consommation) sera utilisée comme centre de regroupement primaire lors de la rafle du Vel d'hiv (voir témoignage des enfants Muller, vidéo en p.1). La faucille et le marteau trônaient et trônent toujours sur la façade. D.R.
Au 342 rue des Pyrénées, plus aucune trace du garage dans lequel les Juifs étaient regroupés.
Le silence et l'absence de photos
Il n'existe qu'une seule photo reconnue de la rafle de 1942, . . celle de bus anonymes garés rue Nélaton (les autres sans doute en réalité la toute fin de la rafle de 1940). Plusieurs raisons expliquent cela, tout d'abord l'interdiction faite de photographier dans le Vélodrome d'Hiver et la volonté de limiter les témoins (d'où, en partie, l'insuffisance médicale au Vel d'hiv puis dans le Loiret) ; ensuite le caractère très matinal de l'opération et le fait que Paris est en partie déserté (hommes en camps de prisonniers, vacances de juillet) ; enfin la honte de toute l'opération : il n'y aura même pas d'article dans la presse collabo. On craint l'opinion publique, ce qui a déjà fait retarder l'opération du 14 juillet, symbole de résistance, au 16. Depuis l'obligation de porter l'Etoile jaune, la conscience de la persécution juive a commencer à poindre dans l'opinion. Un rapport des Renseignements généraux du lendemain de la rafle rapporte que même chez les antisémites, on considère que « la façon dont on agit avec eux [NDR : les Juifs étrangers] relève de la pire barbarie ». (Que sais-je?) Au deuxième jour de l'internement, un rapport de la Préfecture de Police confirme que «  bien que la population française soit dans son ensemble et d'une manière générale assez antisémite, elle ne juge pas moins sévèrement ces mesures qu'elle qualifie d'inhumaines. ».Le tout est confirmé par un rapport du SS Röthke du 18 juillet : « la population française a exprimé, dans des cas répétés, sa pitié à l'égard des Juifs arrêtés et ses regrets, en particulier à l'égard des enfants. ».
La célèbre photo du ghetto de Varsovie. Rien de similaire pour la rafle du Vel d'hiv, malgré l'ampleur de l'opération et ses quatre lieux successifs (centres de rassemblement, Vel d'hiv, camps du Loiret, Drancy). Les journalistes étaient très intéressés pour traiter le sujet, peut-être ont-ils pris des photos, ou bien les photographes de quartier, ou encore les amateurs ? Mystère, mais quelque part, il doit exister des photos.
Un silence organisé
« Il est tout à fait certain que des consignes strictes ont été données aux journaux pour qu'ils fassent silence sur la rafle », écrit Maurice Rajsfus dans son « Que-sais-je », citant une note du SS Röthke du 18 juillet : « à plusieurs reprises, la presse française a fait dès le 16 juillet 1942, des démarches auprès du service de la propagande et a exprimé le souhait de rendre compte de la rafle. On a fait savoir, au service de la propagande, que pour l'instant – jusqu'à nouvel ordre – il fallait s'abstenir de tout article de presse relatant l'action. » Le silence sera effectivement de règle, et les références, même à mots couverts, resteront peu nombreuses. Si des photos ont été prises, et il y a pu y en avoir, elles ne sont pas parvenues jusqu'à nous. .
Seule photo de la Grande Rafle authentifiée : des autobus anonymes alignés rue Nélaton. Un cycliste, un policier sur le trottoir de gauche, des gens sur le trottoir de droite. Rien ne traduit l'immense clameur permanente qui empêchait les riverains de dormir.
A noter tout de même, quelques bribes transpercèrent, souvent déformées ou partielles. Le Pilori, journal collabo, évoque brièvement la rafle le 23 juillet, mais pour se plaindre de la réquisition de Centres de jeunesse pour nettoyer le « Palais des Sports [Vel d'hiv], boulevard de Grenelle, où se trouvent parqués des milliers de Juifs » : un « odieux servage » pour ces jeunes...
Une église encore discrète
L'église catholique française proteste auprès du maréchal Pétain le 25 juillet, par la voix du cardinal Suhard...(Voir l'article Zemmour p.2) L'église réformée, elle, fait entendre sa voix plus énergiquement au cours de l'été 42 : le pasteur Boegner, président de la Fédération protestante de France, proteste auprès du Maréchal, comme il le fera aussi directement auprès de Laval, lors d'une rencontre « particulièrement orageuse ». Surtout, il est le premier dirigeant religieux français de premier plan à condamner, clairement et officiellement, systématiquement, la législation antisémite du régime de Vichy. Et il le fait savoir par tous moyens, en toute occasion (en 1940, il avait pris la tête de la CIMADE, qui existe toujours . et vient en aide aux réfugiés et internés). « Grâce à lui, des communautés protestantes cachèrent des milliers de Juifs, surtout à Lyon, au Chambon sur Lignon et dans les départements de l'Ardèche, la Lozère, le Gard, l'Aveyron, la Drôme et le Tarn. Beaucoup d'autres Juifs réussirent à passer clandestinement en Suisse avec l'aide de pasteurs protestants, » rapporte Yad Vashem France..
 :
Le pasteur Boegner, président de la Fédération protestante de France, Grâce à lui, des milliers de Juifs furent cachés et sauvés. Le 9 septembre 1942, il rencontre Laval au sujet des enfants. Le chef du gouvernement lui répond que les enfants ne doivent pas être séparés de leurs parents. « Pas un ne doit rester en France ». L'UGIF (Union générale des israélites de France, créée par Vichy) insiste également... en vain. Dans son refus de sauver les enfants, Laval ira jusqu'à imposer une « authentification du statut d'orphelin » (comment l'établir avec des parents partis pour « une destination inconnue » ?) les empêchant d'émigrer pour rejoindre les USA ou la république Dominicaine..
En 1942, l'église protestante a déjà proposé de nombreuses fois aux catholiques une démarche commune. En vain. D'autant qu'« au Vatican, c'était, et cela restera, le silence, » comme le note La Grande Rafle du Vel d'hiv. Un silence sur toute l'Extermination... qui pèse encore en grande partie, même si l'Eglise catholique française a fait depuis un mea culpa très explicite, reconnaissant notamment qu'elle a été le terreau de la haîne du Juif: Mgr Olivier de Béranger reconnaîtra devant le Mémorial du camp de Drancy, en 1997, que « c'est un fait bien attesté que pendant des siècles a prévalu dans le peuple chrétien, jusqu'au concile Vatican II, une tradition d'anti-judaïsme marquant à des niveaux divers la doctrine et l'enseignement chrétien, la théologie et l'apologétique [NDR : la justification argumentative], la prédication et la liturgie. Sur ce terreau a fleuri la plante vénéneuse de la haine des Juifs. » En 2003, finalement, le Vatican fera son examen de conscience.
Londres et la résistance
A Londres, l'émission de radio de la France Libre « Les Français parlent aux Français » est une exception à noter. Dans les jours suivant la rafle, elle diffuse un rapport arrivé de France : « les 16 et 17 juillet, à Paris, un véritable pogrom contre les Juifs a eu lieu (…/...) Les autorités occupantes ont cru nécessaire de rester complètement dans l'ombre. Ce sont des policiers français, en civil et en uniforme, des gendarmes, parfois secondés par des membres des organisations doriotistes, qui furent chargés de cette triste besogne. » Le 6 août, nouvelle émission présentant jusqu'à la séparation des femmes et des enfants à Beaune-la-Rolande: « c'est la première fois que les horreurs des pogroms sont sciemment organisées en France (…/...) – c'est la déportation, pour où? On ne sait pas (…/...) – On sépare les mères et les enfants (…/...) Des familles entières se suicident, d'autres meurent de faim dans les camps, c'est immonde ».
Du côté de la résistance, la Croix (publiée à Lyon) a été parmi les premiers à réagir, rendant compte dès le 18 juillet 1942 qu'« on a parqué les hommes d'un côté en attendant leur déportation. Les femmes de l'autre. Scènes poignantes au moment de la séparation des familles. » L'Humanité clandestine d'août/septembre 1942 écrit : « Le 16 juillet, les Boches aidés par la police française et par des gendarmes dont nous avons les noms, firent une rafle monstre de familles juives. » Combat, du même mois, écrit : « Tous les Juifs, nés hors de France, ont été arrêtés les 16 et 17 juillet, sans considération d'âge, de sexe, de santé. On séparait l'époux de l'épouse, les enfants de leurs parents. ».
La photo du camp de Beaune-la-Rolande et son gendarme à képi, longtemps censurée .
Ce qu'il reste uniquement, ce sont des dessins du déporté Georges Horan publiés en 1945, notamment celui-ci dénommé « au seuil de l'enfer juif ». On y voit les tout-petits arrivant des camps du Loiret à la gare du Bourget-Drancy, entre des haies de gendarmes disproportionnées, pour être transférés d'une horreur à l'autre. Drancy ultime station avant l'abattoir industriel d'Auschwitz... DR.
Une chape de plomb
Les archives administratives ont été purgées délibérément. Un décret du 6 décembre 1946 ordonne la destruction de "tous les documents fondés sur des distinctions d’ordre racial entre Français" . Presque tous les acteurs français du Vel d'hiv de 1942 ont été grâciés ou amnistiés quand ils ont été inquiétés ce qui est loin d'être la règle. La purge des hautes sphères de l'Etat n'a jamais eu lieu, comme l'aura établi l'historien (américain) Paxton. Le cas de Maurice Papon qui rafle en Gironde et deviendra ministre est exemplaire ; celui de René Bousquet, secrétaire général de la police de Vichy, tout autant. .
Le Vel d'hiv, lui-même, est rasé en 1959 laissant place ironiquement jusqu'en 2007 aux services de la DST, Direction de la surveillance du territoire (à nouveau la gestion des « ennemis intérieurs »), puis s'installent les services des ressources et des compétences de la police jusqu'en 2012..
Dans ces années, des suppressions et des substitutions ont été opérées. Au 58, rue Crozatier, une plaque rappelait les familles juives qui vivaient là... puis elle a été retirée. On pourrait d'ailleurs en couvrir tout le XIè et le XXè arrondissements, mais c'est mauvais pour l'immobilier. On se contente d'en mettre dans les écoles, rappelant au moins ainsi, la mort des enfants. .
Durant les « Trente glorieuses », on ne veut pas entendre parler de la déportation, de la collaboration... Le documentaire de Marcel Ophuls, « Le chagrin et la pitié », réalisé en 1969, est ainsi censuré jusque 1981. Le court métrage Nuit et brouillard.(1956) est censuré jusqu'à ce que Alain Resnais accepte de faire disparaître, un képi de gendarme au camp de Beaune-la-Rolande. Il sera masqué à la gouache jusqu'en 1997. Concernant la rafle du vel d'hiv, les livres populaires d'histoire (André Castelot, Alain Decaux) et les manuels scolaires l'attribuent... à la Gestapo, jusqu'au début des années 80..
A la fin des années 60, quand Claude Lévy et Paul Tillard mènent leur formidable enquête qui fracassera le silence, le ministère des Anciens combattants refuse de communiquer la liste des victimes des 16 et 17 juillet 1942. Le 20 septembre 1966, il écrit même: « les informations qui figurent sur ces documents ne peuvent qu'être utilisées à des fins administratives, et ne constituent pas la documentation historique que vous recherchez. ».
L'omerta administrative
Plus encore, Claude Lévy et Paul Tillard constatent en 1967 : « de l'autre côté, celui de l'administration et des corps qui participèrent aux arrestations, gendarmerie et police municipale, nous avons trouvé porte close. » Et ils prophétisent : « Il nous a même semblé que lorsque les archives officielles seront ouvertes aux historiens et aux chercheurs, cinquante ans après les événements, bien des documents n'y seront plus ». Heureusement, ce n'est pas tout à fait le cas. Ainsi Laurent Joly vient pour la toute première fois d'accéder à des sources policières..
A Beaune-la-Rolande, le camp a laissé la place à un lycée agricole. A Pithiviers, l'extension de la ville a tout gommé. A Drancy, cas extraordinaire, le camp en béton a terminé d'être aménagé après la guerre. Les HBM ("habitations bon marché") non terminées où les Juifs furent enfermés sont devenues des HLM (habitations à loyer modéré). Aujourd'hui encore, l'ex-camp est habité sous le nom de Cité de la "Muette". Qui sait qu'il y réside parmi les fantômes d'Auschwitz? Tout le monde, par la force des choses. Désormais, des faux rails et un wagon SNCF de déportation trônent dans l'ancienne cour, pour rappeler l'enfer concentrationnaire. .
L'histoire repose donc sur les témoignages (voir ici Heureusement beaucoup ont été enregistrés. Mais les témoignages posent des problèmes spécifiques. Boris Cyrulnik a donné une intéressante conférence sur le sujet et particulièrement sur le thème de la reconstruction, du déni, du refoulement ou du clivage, ici à 29'40 .
Veldhiv.org fait donc appel aux internautes. Avez-vous des courriers, photos, dessins ou tout autre document historique, sur le Vel d'hiv de 1942, depuis les centres de rassemblement jusqu'à Drancy, ou même Auschwitz, permettant recoupements et éclairages, aussi bien du côté internés que du côté forces de l'ordre ? Si vous avez des documents, prenez contact en utilisant ce mail . veldhiv.org@gmail.com (écrire en français, en anglais ou en allemand)..
Denis B.
Trois dates, trois lieux
1972 : l'historien américain Robert Paxton publie La France de Vichy qui « fit l'effet d'une bombe, car il montrait, preuves à l'appui, que l'État français avait participé à la déportation des Juifs dans les camps de concentration nazis, ce qui avait été occulté par les historiens jusque-là » (selon l'historien Gérard Noiriel). « Non, Pétain, le Pétain de l'État français n'a servi à rien. Il n'y a pas eu de bouclier [NDR : de protection des Français contre les souffrances de l'Occupation] », ajoute Paul Gillet dans le Monde des Livres. L'essai fait son chemin (jusqu'à atteindre 100.000 exemplaires vendus en 1997). Lentement, les esprits évoluent....
1992: poussé par l'opinion publique, la pression de l'affaire Bousquet et des associations mémorielles, François Mitterrand entame un début de reconnaissance du Vel d'hiv de 1942, en étant le premier président à y déposer une gerbe en 1992, lors d'une cérémonie très houleuse où il est sifflé par les anciens déportés et enfants de déportés..
L'argutie de François Mitterrand : selon lui, la République, donc la France, n'est pas comptable de la Rafle du Vel d'hiv...Evidemment, la République française avait disparu dès le vote des pleins pouvoirs à Philippe Pétain, devenant l' « Etat Français ». CQFD ! DR
Il faudra encore 20 ans pour la pleine reconnaissance: « Ce crime a été commis en France, par la France, » déclare François Hollande. C'est en 2012 (70 ans après les faits). 2012 est aussi, beaucoup plus discrètement, l'anniversaire du premier article que Maurice Rajsfus aura réussi enfin à publier sur la rafle du Vel d'hiv en 1982 dans « Le Monde ». Jusqu'alors, c'était le tabou, le silence sur l'opération menée par les autorités françaises :« on ne voulait pas l'entendre. ».
Photo Place des martyrs juifs du vélodrome d'hiver
A Paris, trois lieux de mémoire enserrent l'ancien Vel d'hiv, un jardinet du souvenir de taille ridicule boulevard de Grenelle écrasé par les barres d'habitation environnantes ; une « place » des « Martyrs juifs du Vélodrome d'Hiver » joignant les boulevard et quai de Grenelle de manière totalement indistincte et enfin à proximité le « Square des martyrs juifs » sur la Promenade du quai de Grenelle où il est enfin possible de se recueillir sans le vacarme de la circulation, face à une très belle statue des pères, mères et enfants déportés. .
La plaque commémorative du jardin du souvenir... et son erreur : ce n'est pas « sur ordre des occupants nazis » que « furent parqués dans des conditions inhumaines » tant d'hommes, de femmes et d'enfants. C'est d'une part en pleine collaboration (les hommes et les femmes) et d'autre part par initiative propre (les enfants).
Il existe enfin un panneau commémoratif datant de 2008 au métro Bir Hakeim et, désormais, un jardin dédié aux enfants déportés, avec tous leurs noms sur un stèle, inauguré en 2017 par Emmanuel Macron..
Droit ou devoir de mémoire ?
« Moi, ce que je voudrais... c'est que dans chaque individu qui va m'écouter, je lui demande une chose très simple: de se souvenir que ce jour-là, des gens normaux sont venus chercher des gens normaux, pour les mettre dans des camps pour les faire crever. Parce que ce qui c'est passé au Vel d'hiv, c'est effrayant et c'est ça que je voudrais aujourd'hui, mais de tout mon cœur, de sous la peau que ça sort... qu'il y ait un brin d'empathie de chaque individu pour ce qui est arrivé... Parce que n'oublions pas : le temps est un oubli perpétuel. » Témoignage de Betty, 10 ans lors de la raffle...Il y a le droit et le devoir de mémoire....
Le devoir de mémoire, rébarbatif peut-être, c'est pour tous ceux qui aujourd'hui ou demain, pourraient être amenés à réitérer peu ou prou les événements. Ce n'est pas de la repentance, et il n'est pas question de se flageller (quelle idiotie!), mais simplement d'être prévenu, de ne pas commettre les mêmes erreurs (atrocités), de distinguer le bien du mal comme toutes les institutions humaines y appellent. (Et il faudra penser à cesser d'appeler péjorativement « droits-de-l'hommistes », ceux qui combattent l'internement arbitraire, la torture, les enlèvements, les disparitions, les exécutions extra-judiciaires et assassinats... Des crimes très primaires, basiques.) .
Et il y a ensuite le droit de mémoire. Celui-ci est pour les victimes, ceux qui pourraient l'être, ceux qui sont vigilants (précieux contre-pouvoirs nécessaires à une démocratie)... C'est le droit de se souvenir et de rappeler, d'être inquiets, de « crier avant d'avoir mal » au besoin (c'est plus utile qu'après). C'est le droit d'alerter les enfants (1), avant que les rôles de la vie, ne les enferment dans une normalité banale, mécanique et indifférente. .
Denis B.
(1) Depuis 1997, 450 plaques commémoratives ont été apposées sur les façades et à l'intérieur des établissements scolaires, pour rappeler les enfants martyrs du Vel d'hiv. « Il était vital de faire revivre leurs noms dans leurs écoles, car nous n'avons pas de cimetière, » explique Rachel Jedinak, elle-même survivante de la rafle. « Et ces enfants qui avaient ri, qui avaient chanté, qui avaient pleuré, qui avaient grandi, il fallait leur redonner vie dans leur école. »
Au printemps 1967, la rédaction du Nouveau Candide fait appel à un jeune dessinateur de 29 ans, Jean Cabut, dit Cabu, pour illustrer les bonnes feuilles de La Grande rafle du Vel d’Hiv 16 juillet 1942 de Claude Lévy et Paul Tillard (Robert Laffont), publiées en cinq épisodes, A l'occasion des 80 ans de la rafle, le Mémorial de la Shoah expose ces dessins en 2022. DR
L'exposition « Le Juif et la France » fin 1941 début 42, comprenait deux parties : l' « infiltration » des Juifs dans la société et comment reconnaître un Juif. D.R.
 
Une affiche antisémite du Front National de la Jeunesse avant la « normalisation » engagée par Marine Le Pen. Pour mémoire, le FN a été fondé par d'anciens nazis et collabos, des néo-fascistes et des partisans de l'Algérie française. D.R.
Photo : statue du « Square des martyrs juifs » sur la Promenade du quai de Grenelle. DR
L'antisémitisme ? « MORT AU JUIF ! Là ! Le Juif n'est pas un homme. C'est une bête puante. On se débarrasse des poux, on combat les épidémies. On lutte contre les invasions microbiennes. On se défend contre le mal, contre la mort, donc contre les Juifs. » Extrait du journal « Au pilori », du 14 mars 1941..
Les métèques ? « C'est l'immense flot de la crasse napolitaine, de la guenille levantine, des tristes puanteur slaves, de l'affreuse misère andalouse, de la semence d'Abraham et du bitume de Judée... Doctrinaires repus, polacks mités, gratin des ghettos, contrebandiers d'armes, pistoleros en détresse, espions, usuriers, gangsters, marchands de femmes et de cocaïne, ils accourent, précédés de leur odeur, escortés de leurs punaises... » Extrait du journal « Gringoire » du 7 août 1937, cité dans « Vel d'hiv, 16 juillet 1942 » d'Alain Vincenot. .
Mitterrand-Bousquet, le couple sulfureux
 :
René Bousquet durant l'Occupation : ambitieux, efficace, heureux. Chef de toutes les polices de Vichy et grand ordonnateur de la Rafle du Vel d'hiv, il sera blanchi au titre... de la Résistance ! D.R.
Dans le microcosme de Vichy, Bousquet et Mitterrand, tous deux maréchalistes convaincus, ne se seraient jamais croisés, même s' « il y avait au minimum des rapports indirects », selon leur relation commune Jean-Paul Martin (1). .
Blanchi par la Haute-Cour en 1949 (dossier de résistance disparu), et menant une brillante carrière (notamment à la Banque d'Indochine), Bousquet n'aurait vraiment rencontré qu'après guerre . François Mitterrand, autre « vichysto-résistant », longtemps proche de l'organisation d'extrême droite La cagoule . (et récipiendaire d'une haute distinction pétainiste, la Francisque).
Bousquet, chevalier de la Légion d'honneur bien que responsable de 60.000 déportations, deviendra l'intime et le financier de l'ombre d'un Mitterrand qui au fil des années 50 et 60 s'entourera des anciens collabos de haut vol les plus proches de Bousquet. (Jean-Paul Martin,Yves Cazeaux et Pierre Saury)..
Bousquet, racontait François Mitterrand « sans rechigner », « n'était pas un Vichyssois fanatique ; comme on l'a présenté... C'était un homme d'une carrure exceptionnelle. Je l'ai trouvé plutôt sympathique, direct, presque brutal. Je le voyais avec plaisir. » (1) .
Le 8 juin 1993, l'ancien Secrétaire général à la police de Vichy, inculpé de crime contre l'humanité, sera assassiné. Le grand déballage sur la Rafle du Vel d'hiv n'aura jamais lieu. L'action s'éteint comme elle s'éteinte pour mort naturelle, quatre ans plus tôt, contre Jean Leguay, ancien responsable de la police en zone occupée, pour son rôle dans l'organisation de la rafle du Vel d'hiv... après dix ans d'instruction !.
Denis B.
(1) Pierre Péan, Une jeunesse française, François Mitterrand, 1934-1947
Extrait du Promeneur du Champ de Mars avec Michel Bouquet dans le rôle de Mitterrand : philippe.gandil.free.fr/ChasseAuTresorRoller/GoWest2/DocumentsMultimedias/LePromeneurDuChampsDeMars.wmv
« Aux Français, la France ». François Mitterrand, en 1935, lors d'une manifestation de l'Action Française, mouvement et journal à la fois antisémite et anti-"métèques".
Toute honte bue : « Est-ce que Hitler était un comique? »
Alain Soral, éditeur antisémite et polémiste national-socialiste (“droite des valeurs et gauche du travail“), et Dieudonné (humoriste « anti-sioniste » ayant notamment invité et félicité sur scène le négationniste Robert Faurisson ), tous deux lors du Bal des Quenelles, en 2015, célébration d'une condamnation à 31.000€. La « quenelle », mélange de bras d'honneur, de fist-fucking, et de bras tendu piétine délibérément la souffrance, par la dérision. “Elle solidarise de fait avec un antisémitisme ayant largement franchi les frontières du sous-entendu“, écrit Antonin Guyader, dans la revue Pouvoirs . Comme disait Desproges, on peut rire de n'importe quoi... mais pas avec n'importe qui.
SOMMAIRE